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"Les journaux parlent de tout, sauf du journalier.
Les journaux m'ennuient, ils ne m'apprennent rien ;
ce qu'ils racontent ne me concerne pas,
ne m'interroge pas et ne répond pas davantage aux questions
que je pose ou que je voudrais poser.
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Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons,
le reste, tout le reste, où est-il ?
Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour,
le banal, le quotidien, l'évident, le commun,
l'ordinaire, l'infra-ordinaire, le bruit de fond, l'habituel,
comment en rendre compte, comment l'interroger,
comment le décrire ?
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Mais justement, nous y sommes habitués.
Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas,
il semble ne pas faire problème,
nous le vivons sans y penser,
comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse,
comme s'il n'était porteur d'aucune information. [...]
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Comment parler de ces « choses communes »,
comment les traquer plutôt, comment les débusquer,
les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées,
comment leur donner un sens, une langue :
qu'elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes. [...]
Interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l'origine."
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Retrouver quelque chose de l'étonnement
que pouvaient éprouver Jules Verne ou ses lecteurs
en face d'un appareil capable de reproduire et de transporter les sons.
Car il a existé, cet étonnement, et des milliers d'autres,
et ce sont eux qui nous ont modelés. [...]
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Georges PEREC